« Les hommes de demain tireront leurs forces du parquet de leur nursery. » En publiant, en 1911, le livre Jeux de parquet , récit des heures de jeux libres partagés avec ses deux fils, Herbert George Wells (1866-1946), célèbre auteur britannique, ne se doutait sans doute pas qu’il ouvrait la voie au développement d’un véritable dispositif thérapeutique, adapté aux enfants comme aux adultes et adolescents.
Origines du Jeu de sable
Le Jeu de sable a pour origine les travaux de recherche de la pédopsychiatre britannique Margaret Lowenfeld (1890-1973), directement inspirée par les récits de jeux de H. G. Wells. Dès 1928, celle-ci élabore une approche thérapeutique novatrice : la Technique du monde ; approche aussi connue sous le terme de « Magic Box », surnom spontané donné par les enfants qu’elle recevait en consultation. Les principes des jeux initiaux sont simples : mettre à la disposition des enfants une multitude d’objets miniatures et de plateaux de bois de différentes dimensions afin qu’ils puissent donner libre cours à leur imagination, construire un univers, ou bien partir à la découverte d’un monde créé par un autre. M. Lowenfeld remplacera avec le temps les plateaux de jeux par des bacs remplis de sable et mettra à disposition des enfants, en plus des figurines et jouets, toute une collection d’objets miniatures de toutes sortes. Ceci dans le but de permettre aux plus jeunes de s’exprimer et aux adultes d’avoir accès à leur univers intime.
En 1954, la Technique du monde éveille l’attention de la thérapeute d’enfants Dora Maria Kalff (1904-1990), d’origine suisse, formée à l’Institut Carl Gustav Jung de Zurich, qui part l’année suivante se former à Londres auprès de M. Lowenfeld. À partir de la fin des années 1950, D. M. Kalff revisite et enrichit l’approche de sa prédécesseur en y intégrant les concepts de la Psychologie Analytique (C. G. Jung & E. Neumann). Elle intitulera sa méthode : la Thérapie par le Jeu de sable.
Bien que la Technique du monde de M. Lowenfeld ait inspiré de nombreux thérapeutes à travers toute l’Europe dès le début des années 1940 ; c’est l’approche développée par D. M. Kalff qui est actuellement la plus couramment utilisée dans le monde.
Le Jeu de sable en thérapie
Comme souvent, le jeu devient vite un formidable révélateur. Le praticien s’appuie tout d’abord sur le caractère non verbal et créatif du dispositif pour permettre à l’inconscient du consultant de s’exprimer de façon plus subtile et profonde que par la parole. On sait que la verbalisation se tarit là où commence le territoire des images, des sensations, des émotions ou encore des intuitions. Les scènes qui émergent des jeux de sable du consultant rendent donc compte de toute la complexité de son monde psychique, affectif et somatique.
Les histoires élaborées par le consultant sur le sable, vont lui permettre d’exprimer sa problématique inconsciente, d’en prendre pleinement connaissance et d’y faire face avant d’agir sur elle sur le plan symbolique par le jeu. Bien souvent les dénouements qui s’opèrent dans le bac finissent par se produire dans le réel. En parallèle, la succession des histoires que produit le consultant favorise l’émergence de la dynamique archétypique du Soi qui le conduit naturellement au fil des séances vers la rémission.
En résumé, le Jeu de sable est un mode de guérison symbolique parce que le consultant crée des mondes personnels en choisissant plus ou moins inconsciemment des objets qui donnent vie à certains éléments de son psychisme (acte de symboliser). Ces reflets du monde intérieur du consultant, soutenu et accompagné par le thérapeute, favorisent, d’une part, la compréhension et la guérison de ses blessures et, d’autre part, la découverte et l’intégration de ses contenus inconscients lumineux, ressources et potentiels enfouis au plus profond de lui-même.
Particularités du dispositif
Le dispositif comprend trois principales particularités :
Le bac : est généralement conçu en bois avec des dimensions correspondant aux champs de vision d’une personne : (longueur 75 cm x largeur 50 cm x hauteur des bords 7 cm). L’intérieur du bac est peint en bleu clair de manière à faciliter la représentation des éléments eau (mer, lac, rivière, etc.) et air (ciel, horizon, firmament, etc.). Le bac, grâce à ses bords et à ses dimensions particulières, fait fonction de contenant psychique lors du temps de la séance.
Le sable : est naturel et provient de bords de mer, car celui-ci a la particularité de pouvoir être travaillé aussi bien sec que mouillé. Le sable représente une prima matera d’exception, il invite dans la majorité des cas le consultant à se laisser aller à l’improvisation.
La collection d’objets : se compose de personnages (hommes, femmes et enfants de tous âges et de différentes origines), d’animaux (domestiques et sauvages), de moyens de transport (aériens, terrestres, ferroviaires et maritimes), d’éléments et édifices architecturaux (maisons, ponts, clôtures, routes, etc.), d’éléments naturels (arbres, fleurs, coquillages, pierres, bois, etc.), de figurines historiques, mythologiques et fantastiques, de petits objets et symboles relatifs à différents aspects de la vie (vie quotidienne, arts, sports, religions, spiritualités, etc.) et enfin, de divers matériaux transformables pour permettre au consultant de fabriquer l’objet qui manque et dont il a besoin (terre glaise, papier, carton, morceau de bois, ficelle, etc.). Selon les cas de figures rencontrés, les objets peuvent être rangés par catégories dans un meuble dont le contenu de chaque tiroir est révélé grâce à une étiquette collée sur sa façade. Ils peuvent aussi être exposés sur des étagères, dans des boîtes posées sur le sol ou sur des tables. Plus la collection d’objets est diverse et variée plus les possibilités d’expression sont importantes. Cependant, on peut très bien démarrer sa pratique avec un échantillon d’objets réduit à l’essentiel.